nom : malone. un nom typique, un nom respecté ici, un nom que l'on connait. le nom du directeur de la banque, son père. un nom qui marque son existence, honte qu'elle essaye d'oublier. prénom(s) : eve. prénom qui fait écho à une religion qu'elle a laissé tomber. simple syllabe qui vient arracher de nombreuses lèvres, effort silencieux dans un souffle. son second prénom est diane, rappel d'une mythologie toute autre, plus vieille, plus vivante. deux prénoms qu'elle profane éhontément. date et lieu de naissance : Swansea, mars. le premier jour du printemps, avec les roses. âge : elle aura vingt-neuf ans bientôt. un âge adulte, un âge qui ne se lit pas sur son visage. un âge qui la rend dingue. origines : galloise pure souche, née du sel et du vent de Swansea. elle a la peau qui sent le froid, les yeux tempêtes. elle a l'histoire de Cardiff dans le sang, et le royaume uni dans l'âme. son accent se fait entendre, fier. elle aime son pays, il lui a manqué. études/métier(s) : major de promotion qu'elle était, la brune. meilleure élève de sa faculté de médecine, passionnée et impliquée. ça a duré trois ans. et puis l'autre est arrivé, avec ses jolis mots et ses promesses. elle a tout quitté, elle le regrette. depuis son retour elle serre des cafés dans le centre ville. c'est pas grand chose, ça lui permet de gagner sa vie. ça lui permet d'envisager un futur pour son enfant à venir. statut civil : la jeune femme est enceinte, et célibataire. on ne lui connait personne et elle ne se formalise pas des rumeurs qui vont bon train sur ce ventre rond qu'elle expose. elle n'attend rien de la vie, elle se contente de son célibat. elle évite de fondre pour la douceur de cette vieille connaissance qui s'invite dans sa vie. elle essaye d'oublier qu'officiellement, elle est encore mariée. statut familial : elle se sent seule, la brune. elle l'a longtemps été. pourtant sur le papier c'est différent. elle est la troisième d'une famille de cinq enfants, fille chérie d'un banquier et d'une fleuriste. elle est soeur, elle est amie. elle sera mère, bientôt. elle est épouse, aussi. mais de ça elle ne veut plus parler. elle se cache, c'est mieux ainsi. c'est mieux d'être seule. péchés mignons : les fraises, ça l'a toujours été, même avant sa grossesse. plus grand regret : son départ, dix ans auparavant. une erreur qu'elle ne parvient à réparer. plus grand rêve : elle a fini par arrêter de rêver, ça fait trop mal cet espoir qui l'hante et qui vient la briser. traits de caractère : il y a un avant, et un après. avant elle était fragile, douce, rêveuse. un soleil ne sachant plus qui écouter, au futur très organisé et à la liberté indestructible. solide, la jeune femme, malgré des fissures qu'elle essayait de cacher. mais non, elle s'est faite avoir. ça n'arrivera plus désormais, elle le sait. elle s'est renfermée, mystérieuse, silencieuse. elle avance comme elle peut, la douleur en tête. elle essaye de garder la tête haute, guerrière qui mord ceux qui osent la juger. c'est un mur de pierre qui refuse de tomber. groupe : wave, elle a passé dix ans au loin.

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elle était populaire, avant. la jeune femme était un rayon de soleil apprécié des parents et de leurs enfants. des jeunes dont elle faisait partie, adolescente talentueuse, présidente du bureau des élèves au lycée et fille chérie du voisinage. l'enfant du directeur de la banque, connue de tous. un rayon de soleil à la vie parfaite. des notes impeccables, un petit ami de rêve, une excellente entente avec ses frères et soeurs. tout était parfait. aussi, lorsqu'elle est partie, abandonnant études, famille et petit ami, personne n'a rien comprit. on a cru un moment qu'elle avait été tuée, mais rien n'a pu conforter personne dans l'idée de sa mort et l'absence de corps a simplement fini par essuyer l'idée. elle a juste disparu, voilà tout. + son ventre rond ne laisse aucun doute, Eve est enceinte, et même bien enceinte. pourtant lorsqu'on lui pose la question, elle évite farouchement de dire depuis combien de temps un autre être humain lui pousse dans le bide. parce qu'en vérité elle ne sait pas. elle n'a vu aucun médecin depuis le début de sa grossesse, et refuse désormais d'en trouver un, effrayée par une possible mauvaise nouvelle. elle a déjà perdu deux enfants par le passé, dans des conditions insoutenables. sa grossesse c'est un miracle. c'est aussi la raison pour laquelle elle a fini par partir de là bas. la raison pour laquelle elle ne veut plus jamais y retourner. + adolescente, elle était impliquée. dans beaucoup de choses, d'ailleurs. divers associations, la paroisse de son père, le lycée. présidente du club des élèves, cheftaine parfaite de son petit royaume. gamine passionnée, aux épaules solides. on a longtemps cru qu'elle resterait cette demoiselle là. on s'est trompé. + des hippies, des doux rêveurs. un groupe de musicien sans religion ni parti politique. des hommes et des femmes heureux ensemble, en harmonie. c'est ce qu'elle a vu dans ce groupe, rencontré au hasard d'un sourire. d'abord, il y a eu lui. Mark. des yeux clairs et une candeur sincère. malgré l'autre, malgré l'histoire d'amour déjà présente dans sa vie, elle est tombée. elle s'est laissé avoir par le dit doux rêveur. elle est partie avec lui, non sans s'être d'abord déchiré avec son père si loin de cette idéologie nouvellement découverte. avec les autres ils se sont installés, loin de toute civilisation trop moderne. amoureuse, perdue. elle n'a pas comprit, petite sotte. manipulée, enrôlée dans le délire paradisiaque des jeunes, elle a fini par ne plus pouvoir s'en aller de cette communauté grossissante. bien vite le prince charmant est devenu crapaud, les amis des tortionnaires. pas de médecine moderne, pas de technologies. rien. rien d'autre qu'un chalet brinquebalant, qu'un travail d'acharnée auprès des hommes de la communauté, que la fin de tout espoir. + l'enfant rieuse s'enferme dans le silence pour ne pas à avoir à expliquer la honte ressentie chaque jours sous les mots durs de son tortionnaire tant aimé. elle ne veut pas expliquer, elle ne veut pas justifier. elle a vécu l'horreur là bas, maintenant elle veut oublier. quand on insiste elle se braque. quand on épie elle sert les dents. quand on essaye de comprendre elle rejette. elle ne veut pas dire, elle ne veut pas se justifier. elle veut faire disparaitre le passé, mais son corps changeant ne lui permet pas cette liberté + elle chantait, avant. elle riait, racontait des histoires absurdes pour amuser ses proches. elle dessinait, mal mais sans complexe. elle vivait à fond Eve, flamme qui aimait le sport, qui aimait la vie, la fête et la danse. elle ne danse plus, la belle. elle ne sourit qu'à peine. elle souffle du nez, tout au plus. elle regarde ailleurs, elle regarde par terre. elle ne veut pas que l'on sache, que l'on comprenne. elle préfère rester seule que d'avouer la vérité. l'ancienne Eve est morte. elle voudrait que d'autres comprennent, mais c'est si dur que de l'expliquer. + elle ne sait pas trop comment elle a pu finir serveuse dans un petit café du centre ville. elle n'est arrivée en ville que quelques semaines auparavant, trouvant un asile chez un proche longtemps oublié. elle s'est vite trouvé du travail, bien au fait de sa condition de femme sans revenue, sans ressources. pas de diplômes, pas d'expérience. elle a eu de la chance d'être prise, elle ne sait toujours pas comment c'est arrivé. son métier, elle ne l'aime pas plus que ça. il la fatigue. mais ça lui permet de voir de nouveaux visages, des visages qui lui sourient. ça lui fait du bien. son sourire lui fait du bien. 

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les rires et les cris fusent de tous les cotés. sur le terrain, les garçons courent sous le bruit de la foule en délire. l'équipe de l'école est en train de gagner. plus qu'un essai et ce sera bon. elle porte le maillot de l'équipe, celui même de Kyle. elle hurle, heureuse. elle sent le sol vibrer sous ses pieds. bientôt, ils seront champions. elle est si fière la jeune femme, là. elle regarde son aimé courir, elle attend. elle tremble. et d'un saut, c'est bon. Kyle s'étale de tout son long sur la ligne blanche et le match est gagné. alors elle saute avec Alesia, avec Adelaide et toutes ses amies. elle crie, heureuse, et attends. déjà son coeur bat la chamade, ses joues lui font mal de trop sourire. elle est fébrile la présidente du club des étudiants, elle attend. il lui semble que c'est son existence, d'attendre. les minutes sont des heures et enfin, l'essai est transformé. la voix signale l'arrêt de la rencontre et sa voix se perd dans les aigus avec celles des autres fans. bientôt, Eve rejoint le terrain en courant. c'est dans les bras de son petit ami qu'elle fonce, malgré la boue et la sueur. elle le sert contre elle, elle l'embrasse. elle le félicite sous les regards amusés du reste de l'équipe. toujours pleine d'entrain, toujours si expressive. toujours si vivante.

“Toujours collé l'un à l'autre ?” les ricanements fusent alors que Kyle resserre sous emprise autour d'Eve, tout sourire. “Vous êtes de sacrés jaloux.” lance-t-il à ses amis avant d'embrasser tendrement la joue de la jeune femme sous le regard amusé d'Alesia, sa meilleure amie. “C'est pour quand les petits ?” la, elle se crispe alors que Kyle reste le même, toujours. “Merci mais non merci. Être à deux, ça nous suffit. Pas vrai mon coeur ?” “Je t'aime.” acquiesce-t-elle. oui, ils se suffisent à tous les deux. les blagues graveleuses s'élèvent, et les gloussements font de même. ils ont vingt ans et ne se quittent plus. il est fou d'elle, elle s'épanouit dans ses bras. deux gamins qui se font les yeux doux. des enfants qui jouent à s'inventer un avenir. elle, future médecin, brillante. lui, sportif passionné, étudiant pointilleux. “Je t'aime aussi mon ange.” et les lèvres viennent se rencontrer, encore. ils ne se lâcheront jamais. du moins, c'est ce dont ils sont persuadés tous les deux.

“Eve, je t'en prie. Pars avec nous.” il la fixe, et son coeur chavire. elle reste silencieuse, terrorisée. elle ne sait pas quoi faire. elle s'est faite avoir, bien sur. des discours passionnés sur un futur meilleur pour la race humaine. des chants bourrés de bonnes intentions, de rêves adultes et tendre. et puis, ses yeux à lui. Mark. un souffle d'air frais dans sa vie bien rangée. une tornade dans son coeur paisible. il est plus vieux, il est plus mûr. il la regarde comme on regarde une femme, avec passion, avec envie. il la fait se sentir tellement plus belle. Kyle ne sait rien de tout ça. personne ne le sait, pas même sa meilleure amie, pas même ses soeurs. personne d'autre qu'elle et cette communauté qui lui fait miroiter un futur plus beau. plus grand. elle se sent vivante. et elle oublie l'idée d'être raisonnable alors qu'il lui rend la main. elle a vingt ans et on lui dit qu'elle peut vivre autrement, vivre ailleurs. qu'elle peut vivre pour de vrai. encore quelques secondes, son souffle se perd dans l'air froid de Swansea. il attend, l'émotion au bord des pupilles. il lui a promit monts et merveilles, et voilà qu'elle lâche. qu'elle se laisse tomber dans ses promesses grisantes. elle prend sa main, les larmes aux yeux. ils partiront dans la nuit, un sac sur le dos et de l'espoir plein la tête. une aventure inédite, un bond dans l'inconnu. elle a peur, bien sur. mais elle se sait en sécurité avec lui. elle sait que tout ira bien.

ses larmes ne veulent cesser de couler. elle a perdu leur enfant, encore. la communauté va la blâmer, Mark va la blâmer. elle va se blâmer, aussi. elle a perdu leur enfant parce qu'elle à froid, qu'elle ne mange que trop peu, parce qu'elle s'épuise à travailler dans la ferme communautaire auprès des veaux. la vie est si difficile. les femmes sont attelés aux taches ménagères ou bien au travail à la ferme. les hommes, trop rares, s'occupent de réparer les bâtiments et de trouver de nouvelles recrues pour cette arche de Noé qui les empoisonne. elle pleure, elle tremble. elle essaye d'essuyer le sang qui recouvre le sol de sa chambre. son mari va bientôt arriver. il va lui dire qu'elle est faible, et mauvaise. qu'elle mérite sa douleur. il va lui dire son Dana est meilleure qu'elle, qu'elle lui a déjà donné des enfants, elle. Mark est son aimé, la seule personne sur qui elle puisse compter. son rocher. Mark est un monstre manipulateur, l'un des principal membres de cette secte qui la bouffe entièrement. on lui a retiré sa fierté de femme, on lui a aussi prit sa force et sa volonté. sa liberté. elle n'est plus que cette créature chétive qui essuie son propre sang en espérant que la prochaine fois sera la bonne. son alliance lui fait mal. son ventre lui fait mal. ses mains lui font mal. son enfant lui fait mal, douleur aiguë dans son coeur. pauvre âme perdue.

un cri déchire la nuit. c'est Ariel, sa seule amie dans la communauté. elle se tient le ventre en hurlant. l'enfant arrive. “Ariel ça va aller. Il faut que tu mordes le plus fort possible.” et tout en parlant, Eve lui met entre les dents un bous de bois avant de plonger sa serviette dans l'eau brulante. elles ne sont que deux pour aider la blonde à accoucher. c'est toujours ainsi que ça se passe. dans la grange pour ne pas réveiller les hommes, sans médicaments, sans instruments d'une quelconque aide. juste deux femmes, un peu d'eau et des linges. Ariel a beau lutter, rien ne va. la souffrance déforme son visage, parvenant à couper le souffle d'une Eve qui n'en peut plus. elle perd trop de sang. elle ne s'en sortira pas. la quatrième ce mois-ci. des femmes choisies pour n'être que des ventres, et abandonnées à elles même. et bientôt ce sera son tour. son tour de lutter pour donner vie, si l'enfant ne meurt pas avant. elle prend peur Eve. elle comprend. elle comprend l'horreur de cette existence pourtant décidée. elle comprend qu'elle n'a pas d'avenir. qu'elle va mourir. bientôt, Ariel devient silencieuse. immobile. les yeux dans le vide. pâle. l'enfant ne naitra pas. et à Eve de se lever, tremblante, les mains pleines de sang. et de partir, aussi vite que possible, le ventre trop rond pour la laisser courir aussi vite qu'il le faudrait. l'autre femme donnera l'alerte en comprenant. Eve appartient à Mark, elle n'a pas le droit de partir, pas comme ça. elle se fera détestée pour son geste. elle s'en fou; elle et terrifiée. elle tremble, elle pleure, mais elle se tait. elle ne veut pas que l'on puisse la retrouver, juste disparaitre. pour de bon.

le café sent le chocolat et un moment la nausée lui prend. c'est trop bizarre que d'être dans ce lieu chaleureux, cosy. dans ce café qui respire la normalité. si loin de son passé. elle ferme les yeux, et lorsqu'elle les rouvre elle voit la silhouette de Kieran entrer dans le bâtiment, tout sourire. elle, elle reste impassible. même si elle est heureuse de le voir. même si elle se sent rassurée par ce soudain rayon de soleil qu'il prodigue à la pièce. il est si différent. il lui rappelle Mark par son opposition des plus totales. maladroit, il se plante devant elle en lui faisant un signe de la main. “La terre appelle Eve ?” “Bonjour Kieran.” répond-elle, sobre mais douce. son visage est impassible, enfin lui semble-t-il. même si un sourire nait sur ses lèvres, même si ses yeux se font moins tempête. “Comment va notre champion aujourd'hui ?” l'enfant, encore et toujours. il s'inquiète, il s'intéresse à elle. peut-être trop, parfois. mais elle ne peut s'empêcher d'être attendrie par son regard bleu et sa bonne humeur. comme si rien de mal ne pouvait arriver sur terre tant qu'il aurait se sourire. parfois elle le déteste d'être cet éternel optimiste obsédé par l'idée de venir prendre un café tous les jours à la même heure, soit celle où elle travaille. mais c'est plus fort qu'elle, elle a fini par attendre sa venue. sotte qui sait que le feu brûle, et qui y met sa main malgré tout. “Je crois qu'il vient de découvrir l'existence de ma vessie, au grand dam de ma patronne. Il n'arrête pas d'y donner des coups de pieds.” “Merde. Si c'est un footballeur plutôt qu'un rugbyman, tu devrais penser à le faire adopter. C'est pas un truc qu'on aime ici.” qu'il dit, pour rigoler. la brune reste silencieuse, impassible, encore. ce qui le met mal à l'aise, l'obligeant à bafouiller des excuses minables. des bafouilles qu'elle aime à provoquer de plus en plus régulièrement. il est si différent, oui. un cadeau du ciel.